La réserve
série de 24 photographies argentiques, 2024
FR
Plusieurs matins de l’année 2024, je suis allée sur le parking de France Travail à Saint-Girons en Ariège, pour rencontrer les chômeur·euses du Couserans. L’Ariège est l’un des départements les plus pauvres de France, c’est à dire qu’environ 19% de sa population vit sous le seuil de pauvreté et 13,8% des 15-64 ans sont au chômage (source INSEE). C’est un territoire rural et montagnard.
Ce que je cherchais à découvrir, c’est si les désirs des chômeur·euses s’accordent ou non avec la réalité de l’offre de travail spécifique au territoire. Je leur demandais de me raconter leur parcours professionnel et quel est leur job de rêve.
Confronté·es à France Travail, je voulais aussi découvrir quels compromis il leur fallait faire pour s’inscrire dans le marché du travail local. Quand ils et elles le voulaient bien, je leur demandais d’inscrire leur métier de rêve sur une pancarte et ensuite je les photographiais. En écoutant les histoires individuelles des travailleur·euses de ce territoire, j’ai eu accès en filigrane à une histoire plus globale et actuelle de celui-ci. Par ailleurs, ce projet dépeint certaines violences du marché de l’emploi, les contraintes qu’il impose et les souffrances qu’il génère.
J’ai appelé cette série La réserve, en référence à la notion marxiste de l’armée de réserve de travailleur·euses, ou la réserve industrielle; autrement dit, les chômeur·euses.
Le terme « chômeur·euse » suppose un filtre idéologique particulier. Avant l’ère capitaliste le chômage structurel à grande échelle a rarement existé, sauf dans le cas de grands désastres naturels ou de guerres importantes. Le mot « emploi » est donc idéologiquement un produit de l’ère capitaliste.
La perspective historique du concept de chômage rend caduques beaucoup des systèmes de pensées néo-libérales qui condamnent toujours et toujours plus, les personnes précaires.
EN
On several mornings in 2024, I went to the France Travail parking lot in Saint-Girons, Ariège, to meet the unemployed of the Couserans region. Ariège is one of France's poorest départements, with around 19% of its population living below the poverty line and 13.8% of 15-64 year-olds unemployed (source INSEE). It's a rural and mountainous area.
What I wanted to find out was whether or not the desires of the unemployed matched up with the reality of the region's specific job offer. I asked them to tell me about their career paths and their dream jobs.
Confronted with France Travail, I also wanted to find out what compromises they had to make to fit into the local job market. When they were willing, I asked them to write their dream job on a sign and then photographed them. By listening to the individual stories of the workers in this area, I gained access to a more global and current history of the region. The project also depicts some of the violence of the job market, the constraints it imposes and the suffering it generates.
I've called this series The Reserve, in reference to the Marxist notion of the reserve army of workers, or the industrial reserve; in other words, the unemployed.
The term “unemployed” implies a particular ideological filter. Before the capitalist era, large-scale structural unemployment rarely existed, except in the case of major natural disasters or wars. The word “employment” is therefore ideologically a product of the capitalist era.
The historical perspective of the concept of unemployment renders obsolete many of the neo-liberal systems of thought that condemn ever more precarious people.